En passant par la Bretagne…
De ci, de là,
naviguant, entre les trois expositions de Jean-Pierre
Baillet : à Saint-Malo, « Ombre
et Lumière » Rennes : Ikkon,
Le Galopin ,« Ombre et Lumière »,
Rue de Bertrand !)
Le dialogue : matière
/ couleur ; en chemin vers la mouillature. « physique
de l’humectation : l’accrochement,
la causation ne joue pas. »
Ce sont d’abord des couleurs
chaudes, riches, qui s’imposent, des surfaces
vibrantes, animées. Les « lumières
du dedans », couches premières,
qui résistent, transpercent et les matières
recouvrantes s’unissent dans un seul tumulte.
Le proche et le lointain se rejoignent, se révèrent
et se confondent dans le flux lumineux de l’instant.
La couleur n’est jamais pure, les rouges flamboyants
sont animés des relents de jaune, contrariés
par les traînées ou les surfaces de gris
ou de bleu. Parfois les jaunes et les rouges luttent
à parts égales. Jaunes éclaboussés
de rouges ou rouges éclaboussés de jaune :
l’éclaboussure vient du dedans. La lumière
palpite dans le corps même de la matière.
La force abrupte de la lumière frétille
de trop de présence dans la matière
exacerbée. L’exaltation de la couleur,
la force lumineuse prennent le siège, avec
l’arrogance du feu, devant la matière
qu’elles tiennent captive. La fournaise nous
assaille d’une brillance sans répit.
La virulence de cette face solaire s’apaise,
sans perdre de sa force, au contraire, dans les tableaux
peut-être plus récents, où les
bleus, les gris, les verts deviennent dominants. Le
scintillement de la lumière aux aspects changeants
donnent le ton à l’ensemble. La matière
reprend ses droits : matière et couleurs
co-existent, nous laissant appréhender ces
amples retours qui viennent du dedans.
Dans les « Noirs », la matière
s’allège jusqu’à frôler
une transparence, une liquidité. Elle est trempée.
Le noir se dématérialise et respire
de toute la surface. Une coulée, un flux donne
à la matière mouillée sa qualité
changeante, légère, estompée
et lisse. La brillance est devenue fluide, douce,
laissant place entière à celui qui regarde
lui ouvrant l’espace du miroir qui luit. C’est
là qu’est le plus sensible, la citation
de la pierre, de l’ardoise, pierre feuilletée,
écritoire. Attente.
Le support lui-même semble
résister à ce traitement de la matière !
il regimbe, il resurgit sur les bords, évoquant
son origine – citation à peine lisible :
l’ardoise, la pierre, le bois ? Mais des
supports d’écritures sont là,
préparés, ou bien témoins de
signes anciens, restes de griffures, vieilles traces
oubliées qui ont su résister à
l’usure.
Le livre n’est pas absent : ouvert et renversé
souvent, il s’érige dans sa forme haute,
rejoignant le papyrus ou la pierre levée de
Bretagne. Le feuilleté de la pierre qui apparaît
insidieusement sur certains bords n’est pas
sans rappeler la tranche du livre ouvert.
Puisque « tout œuvre est un déclaration
sur ce qui nous est inconnu », puisse notre
regard nous redonner un peu de ce saisissement d’existence.
Renée Samouël
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